Article publié en avril 2025

Christophe Ollivier, Directeur adjoint du développement des assurances mutualistes

UNMI la revue
Temps de lecture : 3min
Directeur adjoint du développement des assurances mutualistes au sein de la Mutualité Française depuis 2019, Christophe Ollivier représente également la Mutualité française comme Vice-président de l’AMICE, l’Association des assureurs mutualistes et coopératifs européens, créée en janvier 2008 à Bruxelles.

Aujourd’hui, une grande part des Français ne dispose ni d’une protection prévoyance ni d’une épargne suffisante pour faire face aux accidents de la vie.

Vous soutenez le projet de généralisation de la couverture des actifs. Pourquoi est-ce important selon vous ?

Christophe Ollivier : La Mutualité française a lancé en 2024 un chantier sur cette problématique de généralisation dans le cadre de son projet stratégique « Mutualité à 10 ans ». La généralisation de la prévoyance est un enjeu de santé publique qui avait déjà été évoqué dans l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013, sans qu’elle soit rendue obligatoire à la différence de la complémentaire santé. Car rendre cette couverture obligatoire pose a priori plus de difficultés : les problématiques de prévoyance varient selon les métiers et les secteurs d’activité, ce qui rend une application universelle et uniformisée difficile. Pour une généralisation efficace et pertinente, il apparaît crucial d’adapter les couvertures aux besoins spécifiques de chaque secteur et de chaque statut; qu’il s’agisse de salariés, d’agents publics ou de travailleurs indépendants; tout en organisant la mutualisation de ce risque lourd. Même si la couverture actuelle apparaît insuffisante pour un nombre encore trop important d’actifs, nous devons avancer progressivement, en tenant compte des particularités de chaque secteur et typologies de métiers.

 

Le secteur de la protection sociale connaît des changements très marqués depuis la crise sanitaire et la réforme des retraites, qui ont fragilisé les équilibres techniques des mutuelles.

Ont-elles les outils nécessaires pour s’adapter à ces changements ?

C.O : Ces dernières années, les mutuelles ont effectivement fait face à des défis importants, en matière réglementaire ou socio-économique. En 2021, par exemple, le rattrapage des soins liés au Covid et le déploiement du 100% santé ont induit des coûts supplémentaires pour les mutuelles actives en complémentaire santé. Le montant des soins remboursés par ces dernières a ainsi enregistré une augmentation moyenne de +5,9 % par rapport à 2020, selon les données de la DREES  (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques). Dans ce contexte de forte concurrence et de profonde mutation du secteur, les complémentaires santé doivent, pour tenter de se diversifier, développer de nouvelles capacités pour se positionner sur le marché de la prévoyance.

Ce virage nécessite des investissements en termes de moyens financiers, techniques et humains : fonds propres accrus, nouveaux systèmes d’information, expertises ad hoc... C’est pourquoi la collaboration entre mutuelles peut contribuer à disposer des ressources nécessaires. A ce titre, le Groupe UNMI a démontré sa capacité à rassembler les mutuelles de toutes tailles autour d’une ambition commune : développer des solutions de prévoyance de référence et un socle de services, dans le respect de la liberté d’administration des groupements adhérents.

Comment voyez-vous l’avenir de la prévoyance ? 

C.O : Je suis optimiste quant à l’évolution de la prévoyance, tout en étant conscient que la transition sera longue et complexe. La prévoyance est à l’origine de notre système de protection sociale et elle demeure un domaine assurantiel avec un potentiel de développement important du fait de besoins de couverture encore largement insatisfaits. Mais nous souffrons d’un système de protection sociale qui n’a pas su évoluer avec la société et son environnement. L’Etat, pour tenter de corriger cette inadaptation s’est contenté de « solutions réglementaires » avec une vision à court terme. Face aux enjeux que posent les couvertures de protection sociale, c’est l’attitude inverse qu’il conviendrait d’adopter : l’incapacité à gérer la question du financement du risque majeur que représente la perte d’autonomie en est une illustration flagrante. Cela implique notamment de passer d’une approche budgétaire annuelle de gestion des risques à une approche pluriannuelle, tout en visant à mutualiser la gestion des risques associés pour en rendre les couvertures accessibles au plus grand nombre. Pour les salariés du privé, les branches professionnelles peuvent jouer un rôle important. La réforme de la protection sociale de la fonction publique a elle aussi posé de premiers jalons intéressants. Un second axe à développer est la prévention, essentielle pour garantir la santé et la sécurité des actifs sur le long terme. Si son développement ne fait pas débat en Mutualité et s’intègre progressivement dans les pratiques des mutuelles et entreprises, l’une des difficultés demeure son financement,  qui se heurte à la perception de « retour sur investissement » qui peut en être attendu, et ce en l’absence de résultats immédiats et aisément quantifiables. C’est l’un des enjeux majeurs à traiter pour être en mesure de construire la prévoyance de demain sur la base d’une saine gestion et mutualisation des risques associés.  

 

EN BREF

Bien que la généralisation de la prévoyance soit un enjeu de protection sociale, la rendre obligatoire sur la base d’un socle commun n’apparaît pas comme la bonne solution du fait de l’hétérogénéité des profils de population d’actifs à couvrir. Une approche efficace consisterait plutôt à adapter les couvertures  aux besoins spécifiques de chaque secteur et statut d’actif, tout en recherchant des modalités de forte mutualisation.

Aujourd’hui, l’un des défis pour les mutuelles actives en garanties complémentaire santé, est de s’ouvrir à la diversification en développant de  nouvelles  compétences,  qui requièrent de nouvelles ressources financières, techniques et humaines.

La capacité à gérer demain les risques de prévoyance sur une base plus généralisée impose une approche pluriannuelle et fortement mutualisée de la gestion du risque et un développement de la prévention qui peut s’appuyer sur une collaboration plus étroite entre les mutuelles.

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