Santé psychologique des dirigeants : un sujet encore tabou ?
Surcharge de travail, solitude du dirigeant, gestion des salariés, pression des actionnaires, des syndicats, incertitude du carnet de commandes… la santé des chefs d’entreprise est mise à rude épreuve. Et la crise sanitaire de 2020 n’a rien arrangé ! Jusqu’au vote en 2021 de la loi Santé au Travail leur donnant accès aux services de santé au travail au même titre que les salariés, ils étaient pourtant encore les grands oubliés de la médecine du travail. Pourquoi la santé mentale et physique des dirigeants est-elle toujours ce sujet sensible presque tabou qu’il faudrait taire ou ne pas ébruiter ? Pourquoi en parle-t-on si peu ou si mal ? Réponse numéro 1 : parce qu’il existe peu de réelles donnés tangibles sur ce mal qui ronge les chefs d’entreprise. Réponse numéro 2 : parce qu’il n’est pas simple d’évoquer le sujet quand les dirigeants sont eux-mêmes souvent dans le déni lorsqu’il s’agit de leur propre santé.
Une santé psychologique de plus en plus fragile.
Selon le dernier baromètre de la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur & Bpifrance Le Lab, 90% des dirigeants se disent en bonne santé physique (+ 7% vs 2023) et 76% s’estiment en bonne santé psychologique. En 2019, avant la crise sanitaire, ils se disaient à 79% en bonne forme physique et à 86% en bonne forme psychologique. S’ils sont de plus en plus nombreux à se dire en bonne santé physique, les indicateurs sur leur état de santé psychologique se dégradent d’années en années. L’étude révèle également que les jeunes dirigeants (18/24 ans) sont plus en forme physiquement (96% se disent en bonne santé) mais plus fragiles sur le plan psychologique que leurs aînés : ils sont 30% à évoquer une forme psychologique passable ou mauvaise, contre une moyenne de 24% pour l’ensemble des dirigeants.
Nous le savons aujourd’hui, la crise du Covid-19 a laissé des traces sur la santé et le moral des chefs d’entreprise. Selon une étude de l’AIPALS, un dirigeant sur deux présentait en 2021 un risque de burn-out, dont 17,3% un risque élevé et 9,7% un risque très élevé. Ce risque est plus important chez les femmes dirigeantes que chez les hommes et plus spécifiquement chez les jeunes dirigeants. Par ailleurs, le nombre de chefs d’entreprise exposés à un risque de burn-out est nettement supérieur dans les TPE : 13% contre 6% pour les entreprises entre 10 et 49 salariés, et 9% pour les entreprises de plus de 50 salariés. Or dans les TPE-PME plus qu’ailleurs, le risque de burnout ou de maladie du dirigeant fait courir un risque pour la stabilité et la pérennité de l'entreprise.
En période de crise, certes le temps s’accélère et le dirigeant doit réagir de plus en plus rapidement à une multiplication des tâches à accomplir. Mais en temps « normal », le processus qui mène à l’épuisement est le même : surcharge de travail, stress, manque de sommeil et de récupération, fatigue chronique, découragement, démotivation et au final, burn-out si rien n’est fait pour enrayer ce cycle infernal. Pour contrecarrer tous ces phénomènes, et aussi prévenir tout accident de santé, nombre de dirigeants ont engagé une démarche de « self-care », et cela bien avant la crise sanitaire.
Une fâcheuse tendance à renoncer aux soins.
Selon l’édition 2021 de l’Exécutive Wellbeing Index, 92% des dirigeants français interrogés disent avoir mis en œuvre des stratégies pour mieux protéger leur santé et leur bien-être. Plus d’un tiers (36%) se sont ainsi tournés vers l’exercice physique pour gérer ou prévenir les troubles de santé mentale et près de deux sur cinq (37%) ont adopté de nouvelles habitudes alimentaires. D’autres trouvent de l’apaisement dans la méditation ou la pratique de sports doux comme le yoga, le Pilates, le golf… Pour autant, ils sont encore nombreux à négliger leur suivi médical, faute de temps ou d’argent, comme l’attestent les chiffres sur le renoncement aux soins. 32% d’entre eux confient avoir renoncé à aller voir un médecin dans les 12 derniers mois, dont 15% à plusieurs reprises, évoquant à 60% un manque de temps et la nécessité de privilégier leur activité. 10% des décideurs admettent quant à eux ne jamais consulter de médecin. Un taux qui augmente dans les secteurs en difficulté sur le plan économique : 15% dans la construction et 22% dans les transports. Enfin, 2/3 des dirigeants disent se rendre chez le médecin qu’en cas de problème (63%) quand ils sont 27 % à avoir instauré un checkup médical régulier.
« Entreprendre, c’est bon pour la santé ! »
« Entreprendre, c’est bon pour la santé ! », assure pourtant Olivier Torrès, chercheur et spécialiste des questions de la santé des dirigeants, président fondateur de l'observatoire Amarok. Selon lui, « le chef d’entreprise bénéficie d’avantages particulièrement salutogènes : il est porté par la passion, le sentiment de maîtrise de son destin, l’endurance et l’optimisme. Ces facteurs pèsent davantage sur les facteurs pathogènes que sont le stress, la surcharge de travail, l’incertitude du carnet de commandes et l’isolement. Entreprendre, c’est bon pour la santé mais entreprendre, c’est aussi épuisant et ce n’est pas antinomique : à la longue, ça finit par user ». Pour s’inscrire dans un entrepreneuriat durable, il faut trouver les meilleures voies pour aider les entrepreneurs à continuer à entreprendre mais durablement : « L'entrepreneur utilise une ressource naturelle qui est sa propre énergie : un burn-out, c’est un épuisement. On peut facilement faire un parallèle avec la question des économies d’énergie. La récupération peut prendre différentes formes : dormir davantage, faire des breaks, s’octroyer quelques vacances, faire du sport, explorer la pleine conscience, etc. A chacun ce qui lui convient le mieux. Mais plutôt que de se tuer à réussir, faire le choix de se recentrer sur soi, sa santé et son bien-être. Entreprendre c’est bien, entreprendre durablement c’est mieux ! », poursuit-il.
De nombreux chefs d’entreprise mettent en place, pour leurs salariés, des actions de prévention et de sensibilisation contre le stress. Mais quand il s’agit de prendre soin d’eux, ils ne sont pas toujours au rendez-vous. Cette attitude de déni de vis-à-vis de leur propre stress est une réalité inquiétante. Elle pourrait s’expliquer par leur sentiment qu’être stressé traduirait un état de faiblesse et pourrait remettre en cause leur légitimité à entreprendre et à diriger. Quand le mythe du super-héros reste toujours bien ancré dans les esprits…
Pour en savoir plus :
Santé psychologique au travail : avec Stimulus, des outils pour prévenir et agir
« Grâce à la pandémie, la santé mentale au travail n’est plus un sujet tabou »
Sources :
10ème édition baromètre Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur & Bpifrance Le Lab – Mars 2024
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