Renoncement aux soins : une tendance de fond ?
Selon un sondage BVA réalisé en 2019 pour France Assos Santé, 63% des Français ont déjà renoncé ou reporté des soins pour au moins une raison. Ils évoquent des délais d’attente trop longs dans l’obtention d’un rendez-vous, un reste à charge trop important, l’éloignement géographique ou encore l’appréhension du diagnostic. Une autre étude intitulée « Les Français et le renoncement aux soins » et réalisée la même année par OpinionWay pour Les Échos et Harmonie Mutuelle, indique que l'argument financier constitue la première raison justifiant de ne pas se soigner. Chez les jeunes actifs de 25 à 34 ans, ce chiffre s'élève même à 37%. Sont ainsi sacrifiés en premier lieu les soins dentaires (61%) suivis par les soins d’optique (55%) et le bilan de santé complet (34%). Ce phénomène n’est pas nouveau ni sans impact sur la santé publique : selon l’étude BVA, 64% des Français disent avoir constaté des changements au niveau psychique ou physique après avoir renoncé ou reporté des soins. Pour les personnes ayant une maladie chronique, ce résultat atteint 71%.
Effet Covid-19 ou tendance de fond ?
La crise de la Covid-19 a certainement aggravé la situation en bouleversant le suivi médical des patients, notamment pendant les deux mois du premier confinement et le report, contraint ou pas, de certaines opérations. L’étude Odenore menée en 2020 par l’Assurance maladie l’atteste : près de 2 personnes sur 3 ont renoncé à se soigner au printemps 2020 par appréhension de la contamination et la volonté de ne pas surcharger les professionnels de la santé pendant cette période. Mais dès le mois de mai, une hausse sensible des consommations était constatée. Effet rattrapage des deux mois de confinement ? « Nous voyons ce qui est consommé, pas forcément ce qui ne l’est pas », avance David Echevin, directeur général d’Actélior, cabinet de conseil en assurance et partenaire de l’UNMI. « Oui, nous avons observé une baisse sur l’ensemble des soins pendant le confinement. Seul l’effet rattrapage peut nous indiquer s’il y a réellement eu un renoncement aux soins. Il est encore trop tôt pour dresser un premier constat mais les médecins avec qui nous échangeons régulièrement nous disent qu’ils retrouvent des patients dans un état dégradé. On sait que ce renoncement aux soins va poser des problèmes mais il faudra attendre 2022 pour en mesurer réellement l’ampleur ».
Une chose est sûre, « en ce début d’année, nous constatons par rapport aux années précédentes une nette augmentation des soins liés à la psychiatrie, conséquence de la dégradation globale de l’état psychologique de la population », précise Elodie Paget, directrice générale adjointe et experte santé d’Actélior en charge du pôle santé. L’enquête CoviPrev menée par Santé publique France depuis le mois de mars 2020 atteste en effet d’une dégradation de la santé mentale des Français. S’ajoutent à cela les effets d’un tabagisme et d’un alcoolisme accrus ou encore l’apparition de troubles liés au temps passé durant les écrans en cette période inédite de distanciation sociale.
L’objectif premier du 100% santé
Le phénomène de renoncement aux soins doit-il être directement imputé à la situation sanitaire actuelle ou est-il une tendance de fond déjà initiée depuis quelques années ? « Depuis toujours, il existe une frange de la population qui ne se soigne pas, par manque de moyens financiers notamment. C’est bien là l’objet de la réforme du 100% santé qui doit donner à toutes les personnes, bénéficiant d’un contrat responsable, un accès à un service de soins de qualité sans reste à charge », rappelle David Echevin. Un an après son déploiement progressif, il est trop tôt pour tirer un bilan significatif de cette réforme. Mais les tendances actuelles montrent une forte hausse des soins dentaires et des prothèses auditives, notamment sur les contrats collectifs, tandis que les frais d’optique sont restés relativement stables.
Outre la réforme du 100% santé, la lutte contre le renoncement aux soins a pris ces dernières années différentes formes. Fin 2018, et après quatre ans de tests dans des Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM) volontaires, la Sécurité sociale a ainsi déployé un dispositif spécifique sur l’ensemble du territoire français. Objectif : la détection, grâce à la mobilisation des partenaires institutionnels et de la santé (Conseil départemental, CHU, centres de santé mutualistes, travailleurs sociaux), des assurés « en situation de renoncement aux soins, pour leur proposer des solutions personnalisées et les accompagner jusqu'à ce que les soins nécessaires soient réalisés ». Aucun bilan n’a encore été dressé à ce jour. Quant aux réseaux de soins, apparus dans les années 90 et encadrés par la loi du 27 janvier 2014, ils jouent un rôle important dans le rapport qualité/prix des prestations, notamment pour certains équipements médicaux peu couverts par la Sécurité sociale comme l’optique et les audioprothèses. Mais ces regroupements de professionnels de santé sensés proposer des tarifs inférieurs à ceux du marché national sont-ils réellement efficaces ? « L’expérience des dix dernières années n’est pas très concluante : résistances de la profession, conflits d’intérêts, etc. », constate Elodie Paget.
Enfin, depuis le 1er novembre 2019, la Complémentaire santé solidaire (CSS) née de la fusion de la CMU-C et de l'ACS apporte un certain niveau de soins pour les personnes aux ressources modestes. Problème : si les mutuelles gérant des CSS sont indemnisées des dépenses de santé qu’elles remboursent à ce titre, l’indemnisation de leurs frais de gestion est nulle pour la gestion des complémentaires santé solidaires gratuites et plafonnée pour la gestion des complémentaires santé solidaires contributives. Dans ces conditions, beaucoup font le choix d’en sortir. « Comme nombre d’organismes, l’UNMI a analysé le modèle économique imposé aux complémentaires santé dans le cadre de ce dispositif et s’est vu contrainte de renoncer à y prendre part, alors que nous étions assureur de la solution Proxime Santé, une des onze offres retenues par les pouvoirs publics à l’occasion de l’appel à concurrence de l’ACS en 2015 » précise Loredana Maïer, directrice générale de l’UNMI.
Les complémentaires santé n’ont donc pas toujours une marge de manœuvre suffisante pour agir dans la lutte contre le renoncement aux soins. « Le 100% santé est une bonne chose mais s’il incite les Français à consommer plus, les mutuelles vont devoir augmenter leurs prix. Et là, nous risquons de voir apparaître une autre forme de renoncement », craint David Echevin. La solution ? Travailler sur les prix de la dépense de santé pour faire cesser l’inflation médicale qui est aujourd’hui deux à trois fois supérieure à l’inflation nationale…
Sources
https://www.bva-group.comhttps://www.lesechos.frhttps://www.ameli.fr/https://www.santepubliquefrance.frhttps://www.mutualite.frhttps://www.mutualite.fr
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