Article publié en avril 2021

Les mutuelles communales sont-elles viables ?

Expertise secteur assurantiel
Les mutuelles communales ou « mutuelles de village » ont été créées pour pallier les insuffisances du régime de protection sociale, en donnant un accès aux soins au plus grand nombre. En plein essor, leur modèle est toutefois contesté. Explications.

Qu’est-ce qu’une mutuelle de village ?

En 2013, une commune du Vaucluse de 4 700 habitants, Caumont-sur-Durance, met en place une mutuelle communale. Locale et originale, l’initiative séduit et essaime un peu partout sur le territoire : depuis, plus de 3 000 petites municipalités en France ont ainsi créé leur propre structure. L’idée n’est pourtant pas nouvelle : des mutuelles territoriales avaient déjà été instaurées sous Napoléon III, avant d’être remplacées au milieu du 19ème siècle par les mutuelles professionnelles sous la forme que nous connaissons aujourd’hui. Les mutuelles communales, également appelées « mutuelles de village », permettent de donner l'accès aux soins au plus grand nombre tout en renforçant la solidarité des habitants d'un même village. Pour cela, elle mise sur l’effet de groupe qui leur permet de négocier des tarifs auprès d'un assureur et d’obtenir des conditions tarifaires, à prestations et garanties égales, nettement plus compétitives que les contrats santé classiques.

Des initiatives locales en plein essor

Plusieurs associations loi 1901 ont vu le jour pour accompagner les communes dans leurs démarches et leur offrir une aide technique. L’association de référence est ACTIOM (Actions de mutualisation pour l’amélioration du pouvoir d’achat) créée fin 2014 à l’initiative d’élus locaux soucieux de favoriser l’accès aux soins de santé pour leurs administrés. Avec près de 3 000 communes partenaires, l'association couvre aujourd’hui plus de 10 000 assurés chaque année. D’autres associations d’assurés dédiées aux mutuelles communales ont vu le jour dans le sillage de celle-ci, des fédérations mutualistes et des courtiers se sont également positionnés sur ce type de dispositifs.

Réinventer une solidarité de proximité

Selon le « Panorama des complémentaires santé » réalisé en 2019 par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), environ 3 millions de Français ne possèdent aucune couverture santé, soit près de 5% de la population nationale. Ce sont pour l’essentiel des travailleurs précaires, chômeurs ou inactifs ainsi que des retraités. Avec la baisse constante des niveaux de remboursement du régime général de la Sécurité sociale, nombreux sont ceux à devoir se passer de certains soins n’ayant pas les moyens de souscrire une mutuelle complémentaire. En jouant sur l’effet de groupe, la mutuelle communale est alors en mesure de proposer des tarifs attractifs et de toucher une population ayant de faibles ressources : les retraités, les chômeurs de longue durée, les étudiants et les jeunes en difficulté d’insertion, les travailleurs indépendants (TNS). Bien sûr, ce n’est pas la commune qui finance la complémentaire santé à ses habitants, celle-ci sert uniquement d'intermédiaire pour leur faire bénéficier d'un tarif de groupe. Les conditions d'adhésion à une mutuelle de village sont simples : il suffit d’être résident de la commune, quel que soit son âge, son état de santé et sans condition de ressources.

Dans l’esprit des valeurs mutualistes

Les avantages de la mutuelle communale sont nombreux : des démarches simplifiées, pas d’adhésion obligatoire, pas de sélection médicale, des prestations sans délai de carence, le tiers-payant, l’accès à des réseaux de soins performants… Outre un gain financier important, parfois jusqu’à 60% d’économies par rapport à des mutuelles dites « classiques », le dispositif est fondé sur l’esprit mutualiste basé sur la solidarité et la proximité entre les personnes. « Les mutuelles de territoires ont une carte à jouer y compris au sein d'une collectivité territoriale. De belles initiatives solidaires existent dans ce pays, il faut les faire découvrir.  Qui peut le faire ? C’est la mutuelle de village. Je vois le rôle des mutuelles comme un creuset : tout le monde amène sa pierre à l’édifice. La nouvelle mutualité ne peut s’épanouir que de manière transversale. Cette approche d’ordre territorial est forte et indispensable », défend Jean-Louis SPAN, Président de la FDPM (Fédération Diversité et Proximité Mutualiste), qui dès 2013 a créé son propre label « Ma Mutuelle de Village », qui regroupe aujourd’hui près d’un millier d’initiatives communales et territoriales.

Un modèle contesté, viable à terme ?

Si ces mutuelles à taille humaine s’inscrivent parfaitement dans le modèle mutualiste, ses détracteurs les critiquent sur deux points majeurs. Premièrement, le contrat est un contrat global, négocié pour le plus grand nombre, un groupe souvent hétérogène, et qui ne peut concerner des besoins spécifiques. Par conséquent, il offre des garanties parfois inadaptées aux besoins de tous. Quid ensuite de la mutualisation des risques ? Les salariés ayant recours à la mutuelle d’entreprise depuis la loi ANI de 2016, les mutuelles communales attirent en majorité des étudiants, des demandeurs d’emploi et surtout des retraités dont les frais de santé sont plus élevés et dont le coût, n’étant pas ou peu absorbé par une autre partie des assurés, induit une hausse potentielle des cotisations. Dès lors se pose la question de la viabilité à terme du système à l’échelle territoriale en raison d’un équilibre technique des contrats difficile à atteindre. Proximité, solidarité, esprit de groupe : les mutuelles communales représentent une forme de retour aux sources du mouvement mutualiste et c’est une bonne chose. « Ces initiatives locales nous permettent de remettre au cœur du débat les spécificités du mutualisme par rapport aux autres acteurs de la complémentaire santé », conclut Jean-Louis SPAN.

L'info en +

Les travailleurs indépendants ou travailleurs non-salariés (TNS) sont traditionnellement peu couverts en matière de protection sociale. Ils peuvent trouver un intérêt particulier dans les mutuelles communales qui sont éligibles à des contrats de type Madelin donnant droit à des réductions d’impôt en contrepartie des cotisations versées.

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