Concentration des mutuelles : rencontre avec Michel Liautard, président de l'UNMI

Comment expliquez-vous le mouvement de concentration observé depuis les années 2000 ?

Michel Liautard : Depuis une trentaine d’années, la mutualité n’a pas réussi à faire valoir auprès des Pouvoirs publics sa spécificité dans un domaine, la santé, à but non lucratif et marqué par une étiquette forte : la solidarité entre les générations. Combien de fois avons-nous martelé ce message : « La santé n’est pas un marché ! ». Et pourtant… La mutualité n’a pas réussi à protéger auprès des Pouvoirs publics le terme « mutualité », cette spécificité, comme on peut déposer une marque, un label. Les assureurs ont réagi et se sont emparés du terme et du marché créant la confusion dans les esprits.S’ils ont été longtemps hésitants à entrer sur ce marché nouveau et à l’époque peu rémunérateur, les assureurs ont vite compris, dans les années 90, l’intérêt de se positionner sur le marché de la santé, en relais de la Sécurité sociale. Comme ils avaient des moyens bien plus élevés que les mutuelles, ils ont d’emblée affiché des prix très bas. Nous ne pouvions plus suivre… Cette façon nouvelle de faire de l’assurance santé nous a menés progressivement à une guerre des prix et la concurrence exacerbée que nous connaissons aujourd’hui. Les règlementations européennes, Solvabilité 2 en tête, ne nous ont pas non plus aidé à exercer nos activités dans de bonnes conditions, au contraire, elles ont accéléré nos difficultés. Tel est le terreau de ce mouvement de concentration qui constitue une grande menace pour la survie du mouvement mutualiste, son identité et ses valeurs. Je pense toutefois que certains regroupements sont utiles quand ils sont réalisés à l’échelle locale, départementale ou régionale.

Justement, les valeurs mutualistes d’hier ont-elles toujours un sens aujourd’hui ?

M. L. : Oui, à nos yeux, elles sont plus que jamais d’actualité. Hélas, ce n’est pas le cas de l’ensemble de la population. Pour tout Français, avoir une complémentaire santé aujourd’hui, est de l’ordre de la normalité.Mais avoir une mutuelle à but non lucratif, représentée par des administrateurs, des directeurs généraux et du personnel proches du terrain et des attentes de la population, cela devient une denrée rare. C’est la valeur de proximité qui fait aujourd’hui la différence. L’UNMI est une union nationale technique dont la création, il y a plus de 90 ans, est bien antérieure à celle de la Sécurité sociale qui a fêté ses 75 ans en 2020. L’UNMI s’est bâtie sur les principes mutualistes. Aujourd’hui, elle rassemble près de 80 mutuelles partenaires qui ont choisi de s’unir pour se sentir  « mutuellement plus fortes ». L’UNMI leur apportant une écoute, du soutien technique, une aide à la gestion et assurant le relais avec les Pouvoirs publics. Les mutuelles partenaires de l’UNMI sont bien implantées sur le terrain, elles sont représentées par les adhérents eux-mêmes, les administrateurs de ces structures qui sont souvent maire d’une commune ou président d’une association locale. Ces structures à taille humaine sont connues et reconnues, plus facilement repérables et accessibles par les adhérents. Or, les Français ont besoin aujourd’hui et plus que jamais de proximité, on le voit avec la crise sanitaire que nous traversons. La relation entre les petites mutuelles, les mutuelles de taille intermédiaire et leurs adhérents est marquée par un sentiment d’appartenance, un sentiment d’affinité. Cet ancrage régional favorise la diversité mutualiste sur le terrain.

En 2019, l’UNMI a créé UNMI’Mut, rare mutuelle de livre II créée ces dernières années. Pourquoi la création de cette nouvelle mutuelle est-elle un fait marquant ?

M. L. : En soi, la création d’une mutuelle est un fait marquant, cela n’était plus arrivé depuis une décennie ! L’UNMI a décidé d’aller à l’encontre de ce mouvement de concentration massif en lançant une nouvelle mutuelle qui vient diversifier ses canaux de distribution en prévoyance. En effet, UNMI’Mut a pour objectif d’établir des partenariats avec le secteur bancaire et le courtage pour se recentrer sur son cœur de métier, la prévoyance, et revenir ainsi à ses fondamentaux. Cette décision renforce notre autonomie et met notre union nationale à l’abri des regroupements nationaux excessifs.Ainsi, nous apportons un cadre sécurisant aux mutuelles partenaires qui travaillent avec nous sur des problématiques de protection individuelle et collective en prévoyance et qui n’ont pas envie d’être absorbées. UNMI’Mut forme avec l’UNMI un groupe prudentiel sur le marché français et œuvre à la survie de l’institution mutualiste.

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