100% santé : les Français au rendez-vous
Entrée progressivement en vigueur à partir du 1er janvier 2019, l’objectif de la réforme du 100% santé (ou RAC zéro) était de donner à toutes les personnes bénéficiant d’un contrat responsable ou de la Complémentaire santé solidaire (C2S) un accès à un service de soins de qualité sans reste à charge. Ainsi, en 3 ans, au moins 10 millions de Français ont pu profiter de cette réforme, selon les chiffres annoncés le 25 janvier dernier par le ministre des Solidarités et de la Santé lors du comité de suivi de la réforme du 100% Santé. Plus précisément, 55% des prothèses dentaires, 39% des audioprothèses et 17% des lunettes sont entrées dans le 100% santé. Ainsi, plus de 6 millions de Français ont bénéficié de soins dentaires gratuits avec pose de prothèses dentaires et plus de 4 millions de lunettes gratuites, sans reste à charge, a détaillé Olivier Véran. S’agissant des équipements auditifs, le Ministre a assuré que la suppression du reste à charge sur les prothèses auditives avait permis d’augmenter de 88% le nombre de personnes aujourd’hui appareillées.
Dentaire, optique, audiologie : un bilan contrasté
Ce bilan est partagé par le cabinet Actélior, spécialisé dans le conseil en actuariat et assurance et partenaire privilégié de l’UNMI. S’appuyant sur une étude réalisée en interne et portant sur des contrats individuels, le cabinet confirme une explosion des soins dentaires, notamment liés à la pose de prothèses, depuis le 1er janvier 2020, date du déploiement en totalité du panier dentaire. « Le 100% santé concerne 70% des actes pour les assurés qui ont des garanties d’entrée de gamme. 30% pour ceux qui ont des garanties plus haut de gamme », nuance Julie Vernin Biancale, actuaire et spécialiste de la réforme. Concernant les prothèses auditives, intégralement remboursées depuis le 1er janvier 2021, le recours aux soins chez les assurés bénéficiant de garanties d’entrée de gamme a été triplé : plus de 60% d’entre eux choisissent une prothèse du panier 100% santé, tandis que sur le haut de gamme peu d’assurés y ont recours. Enfin, sur l’optique, la mise en place du panier au 1er janvier 2020 n’a pas eu trop d’impact sur les prises en charge puisque seulement 10% des assurés ont utilisé le dispositif en 2021. La raison ? « Les lunettes sont devenues un accessoire de mode or les montures du panier 100% santé ne sont pas toujours les plus belles. Par conséquent, elles ne sont pas présentées spontanément par les opticiens », avance-t-elle. Ce constat global réalisé par Actélior sur les contrats individuels ne s’appliquerait pas forcément aux contrats collectifs qui, comme le rappelle Elodie Paget, Directrice générale adjointe d’Actélior, « sont souvent des contrats présentant des garanties haut de gamme. Il n’y a donc pas eu cet effet recours aux soins renforcés car les assurés étaient déjà bien suivis et bien soignés ».
Quel impact sur les cotisations et les niveaux de garanties ?
Imposée aux organismes de complémentaire santé, la réforme du 100% santé bouscule le marché. A-t-elle entraîné une hausse des cotisations des assurances santé et conduit les mutuelles et assureurs à réviser leurs garanties pour limiter cette hausse ? Oui, selon Actélior qui constate depuis le début de l’année 2022 une tendance à la hausse de 5% du montant des cotisations. « La santé est un marché où il y a peu de marge, peu d’excédent. En 2020 et 2021, malgré la crise sanitaire, il y a eu une forte augmentation des consultations sur le dentaire notamment obligeant de nombreux acteurs à redresser leurs contrats au 1er janvier 2022. Et comme le contrat responsable offre finalement peu de latitude sur les niveaux de garantie, certaines mutuelles ont préféré convertir des contrats en contrats non responsables afin de pouvoir proposer des garanties plus flexibles », commente Elodie Paget. Soucieux de préserver leur pouvoir d’achat, plus attentifs à leurs dépenses, les Français essayent d’optimiser au mieux leurs contrats santé. « Avant la réforme et avant la crise, les mutuelles avaient une attitude plutôt offensive les conduisant à proposer des garanties supérieures à leurs assurés. Aujourd’hui le phénomène s’est inversé : elles ont tendance à supprimer certaines prestations, notamment celles liées au bien-être, pour coller davantage au budget de leurs assurés ». Le cabinet Actélior constate également « un transfert des portefeuilles du haut de gamme vers des produits d’entrée de gamme. Aujourd’hui, un assuré peut s’équiper en n’ayant quasiment pas de reste à charge et par conséquent il peut rechercher de moins hauts niveaux de garanties ».
Un impact réel sur la solvabilité des mutuelles
3 ans après son entrée en vigueur, la réforme du 100% santé est un succès pour les assurés qui peuvent s’équiper en dentaire, optique et audio sans reste à charge même si « des pistes ont été oubliées notamment sur les lentilles optiques ou l’orthodontie pour adultes », regrette Elodie Paget. S’agissant de son impact sur la solvabilité des mutuelles, le bilan est plus nuancé. « Il faudra attendre les prochaines années pour évaluer l’impact réel de la réforme mais les coûts engendrés sont déjà importants et je ne suis pas certaine qu’ils avaient été à ce point anticipés par le gouvernement. Les mutuelles subissent la réforme, c’est évident. Si leur solvabilité était plutôt bonne en 2020 avec des ratios de couverture entre 200 et 500% pour 75% d’entre elles, je crains qu’ils diminuent en raison des déficits annoncés sur l’année 2021. Je préfère miser sur un effet boost lié à l’entrée en vigueur de la réforme et espérer que les dépenses se tassent avec le temps même si les impacts tangibles de la réforme sur les capacités financières des mutuelles seront en réalité appréciables à plus long terme ».
Et demain, quelles évolutions pour le 100% santé ?
Le 25 janvier dernier, Olivier Véran a annoncé qu’un travail serait prochainement mené pour adapter le panier 100% santé à l’évolution technologique et garantir ainsi la qualité des soins proposés. Depuis le 1er janvier 2022, les organismes complémentaires ont en outre l’obligation de permettre à leurs assurés de bénéficier du tiers-payant intégral sur les soins du 100% santé. L’avance de frais par les assurés constituait encore pour certains un motif de renoncement aux soins. Enfin, des campagnes de contrôle seront lancées cette année par l’Assurance maladie pour vérifier que les professionnels proposent bien l’offre 100% aux assurés avec la mise en place de sanctions, en cas de manquement.
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