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Résiliation infra-annuelle (RIA) : quel premier bilan pour les mutuelles ?

30/08/2022 Expertise

Depuis le 1er décembre 2020, tout assuré peut résilier sa complémentaire santé sans motif, ni frais, ni pénalités, après un an de souscription. Le monde mutualiste craignait un impact négatif sur ses résultats. Qu’en est-il réellement ?

Instituée par la loi « relative au droit de résiliation sans frais de complémentaire santé » du 14 juillet 2019, la RIA est entrée en vigueur le 1er décembre 2020 pour le marché de la complémentaire santé, quelques années après celui de l’assurance habitation, auto et affinitaires (loi Hamon de 2014). Elle concerne les contrats individuels (particuliers et TNS) ainsi que les contrats collectifs. Si elle s’inscrit dans la stratégie du gouvernement visant à ouvrir le marché de l’assurance complémentaire à la concurrence pour favoriser l’accès aux soins pour tous, elle pourrait bien rebattre les cartes sur le marché des mutuelles et des assurances santé. A ce titre, le monde mutualiste avait déjà vivement réagi en 2020, en émettant des réserves quant à cette réforme qu’il jugeait contre-productive, anti-mutualiste et menaçant l’équilibre d’un marché déjà fortement concurrentiel. Près de 18 mois après sa mise en place, qu’en est-il réellement ?

Premier constat : il n’y a pas eu une explosion des demandes de résiliation

Si nous ne disposons pas de tendances chiffrées à l’heure actuelle, il semblerait toutefois que la RIA aurait surtout été utilisée pour résilier des contrats individuels. « L’avènement de la loi Hamon en 2015 a largement sensibilisé les particuliers à un nouveau mode de résiliation des contrats. Le marché étant déjà utilisateur, l’extension du dispositif à la complémentaire santé a vite été appréhendé. Cependant, si nous constatons une certaine volatilité liée à de
« nouveaux comportements d’achat », celle-ci reste plus que relative au regard de la taille de notre portefeuille et se neutralise par de nouvelles entrées. L’impact reste donc faible et force est de constater que nos adhérents nous restent fidèles
», commente Alexandra Colin, Directrice générale d’ACORIS Mutuelles, mutuelle régionale indépendante avec 22 agences en Lorraine et Franche-Comté, et partenaire historique de l’UNMI.

S’agissant des contrats collectifs, l’impact est relativement neutre, peu d’entreprises y ayant eu recours pour l’instant. « Tout comme nos adhérents individuels, la satisfaction apportée semble être le meilleur outil de rétention de nos entreprises qui nous accordent leur fidélité. Il n’en reste pas moins que la RIA reste plus complexe à mettre en œuvre dès lors qu’elle embarque potentiellement les salariés et leurs familles voire une nécessaire concertation avec les instances représentatives du personnel pour les structures les plus importantes. Cela nécessite du temps et de l’énergie que les entreprises, satisfaites de leur protection sociale, préfèrent mettre ailleurs », poursuit-elle.

Deuxième constat : une nécessaire réorganisation en interne

Les mutuelles ont dû se réorganiser pour s’adapter au nouveau contexte réglementaire et se mettre en conformité avec la loi (nouvelles procédures, recueil des consentements, etc.). « Une fois ce travail réalisé, nous avons renforcé notre approche de la relation adhérent  afin de mesurer quelle était, derrière toute résiliation, la véritable volonté de nos assurés. Nous devions nous assurer que le protocole de résiliation avait été bien compris, notamment par nos assurés les plus âgés et/ou les plus fragiles qui auraient pu être embarqués dans une démarche de résiliation malgré eux », indique Alexandra Colin. Enfin, dernier point, l’entrée en vigueur de la RIA a-t-elle incité les mutuelles à repenser leur relation client ? Là encore, le manque de recul ne permet pas de poser une tendance claire mais il semblerait que rien n’ait vraiment changé pour les mutuelles qui ont de par leur essence même déjà une stratégie affichée sur la question. « Nous avons toujours placé très haut notre volonté de proposer une qualité de service optimale au service de nos adhérents, et cela de tout temps. Nous n’avons pas attendu la RIA pour placer l’adhérent au cœur de nos préoccupations ! Cette extension de la loi aux contrats santé des mutuelles n’a en rien modifié notre état d’esprit », affirme la directrice générale d’ACORIS.

A terme, les assurés « fidèles » pénalisés ?

Alexandra Colin se veut toutefois plus critique et sceptique sur le fond même du dispositif RIA : « Être trop permissif dans les conditions de sortie fait peser le poids des « adhérents zappeurs » sur les adhérents fidèles qui paient sur leurs cotisations le poids de la volatilité engendrée par le dispositif. A la différence des assureurs, soumis à cette même loi mais auprès desquels nous ne consommons pas volontairement du sinistre type dégâts des eaux, un adhérent qui contracte une mutuelle va consommer des prestations de santé (optique, dentaire, ...). L’équilibre entre prestations versées et cotisations encaissées se trouvant généralement dans le temps alors que les comportements « zappeurs » sont pourtant encouragés, les mutuelles n’ont d’autres choix que d’encadrer le phénomène en l’incluant dans le calcul des cotisations ». S’il est encore prématuré pour connaître réellement le poids de la RIA dans la hausse des cotisations des mutuelles, on sait que celles-ci doivent également composer avec la réforme du 100% santé aux impacts extrêmement lourds sur les équilibres financiers.